Nobel Dynamite

Photographie numérique, février 2017.



Lieu de création de la dynamite, le 17 juin 1875. Ablon, Normandie, France.
Usine désaffectée depuis 1988. 


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L'usine, construite entre 1875 et 1878 par la Société nationale des poudres dynamites, démarre sa production en juin 1879. Réglementée par arrêtés du 26 septembre 1876, 9 novembre 1893 et 9 mai 1897, elle est acquise en 1884 par la Société générale pour la fabrication des dynamites. Un dépôt de capsules et amorces est construit en 1885, un séchoir à coton azotique en 1893 (détruit par explosion en avril 1894 et reconstruit en 1896) , un atelier d'encartouchage et d'emballage des poudres de sûreté (type N) en 1904, ainsi que des ateliers pour la fabrication d'acide sulfurique (installés par la maison Farcot, de Honfleur) en 1916. La dynamiterie d'Ablon est exploitée de 1925 à 1957 par la société Nobel Bozel française, de 1957 à 1972 par la société Nobel Bozel et, de 1972 à 1973, par la société Nobel PRB explosifs. L'activité cesse en 1988, après accident.
Un moteur à gaz pauvre, attesté lors de la création de l'usine, est remplacé en 1948 par un groupe Diesel alternateur de 350 CV. Une machine à vapeur est installée en 1898. Après 1950, l'usine est reliée à celle de La Rivière-Saint-Sauveur (voir dossier : usine de matières plastiques, Chemin de la Plastique) par ligne aérienne de 5500 volts. En 1951, un appareil de nitration continue (type Biazzi) remplace les appareils à nitration discontinue (type Nathan). La fabrication est automatisée entre 1952 (malaxeur Draiswerke et meules Atlas) et 1965 (encartoucheuse Rollex). L'usine d'Ablon produisait 5500 tonnes de dynamite en 1972. La glycérine provenait de la Société des glycérines de Marseille.
265 ouvriers en 1916, 181 en 1917, 165 en 1926, 360 en 1950, 299 en 1953, 183 en 1975, 160 en 1984, 122 en 1988.

Site industriel desservi par embranchement ferroviaire avec la gare voisine de La Rivière-Saint-Sauveur. En 1972, l'usine occupait une surface totale de 260 000 m2. Ateliers de fabrication (nitration, pesage, malaxage) en rez-de-chaussée, enduit. Atelier de préparation des poudres en béton aggloméré et pan de fer. Pièce de séchage à un étage carré, enduit et brique. Entrepôts industriels en brique et pan de fer. Autres entrepôts (dits magasins généraux) à un étage carré ou en rez-de-chaussée, en brique. Salle des machines (réfrigération) avec murs enduits. Station d'épuration (dite tour de dénitration) en brique et matériau synthétique. Poudrières (bâtiments dits igloos, à l'état de vestiges, ou salles emmottées) en béton armé. Bureau à un étage carré, enduit, à toit à croupe. Conciergerie en rez-de-chaussée surmonté d'un étage de comble, enduit et brique. Logement de contremaître à un étage carré, enduit et brique. Logement en rez-de-chaussée surmonté d'un étage de comble, avec murs enduits, brique et essentage d'ardoise. Laboratoire et local syndical en brique. Remise à automobile et atelier d'entretien en brique et bois. Salle d'emballage à un étage carré, en brique, à toit à longs pans à pignon découvert et lanterneau. L'ensemble des ateliers est couvert de ciment amiante.









La production d’explosifs démarre en juin 1879. En 1916, on dénombre 265 salariés.
De nombreux accidents y ont eu lieu :
- Le 30 octobre 1899, 4 salariés périssent lors d’une terrible explosion dans la cartoucherie n°2 (empaquetage des explosifs).
- Le 26 septembre 1926, trois femmes meurent lors d’une explosion dans la cartoucherie ; celle-ci est complètement détruite.
- Le 1er octobre 1927, une explosion a lieu au laboratoire de l’usine occasionnant le décès de Mr Quesney, 58 ans contremaître ; Mr Boulle, chimiste est blessé ainsi que sa femme.
- Le 31 août 1928, 8 personnes sont tuées, 20 autres blessées et des dégats énormes aux alentours de l’usine (Ablon, La Rivière St Sauveur, Honfleur).



Ouest Eclair du 02/09/1928 (Edition de Caen)
 "L'explosion d'Honfleur"
    
Des détails
Honfleur, 1er septembre. - Dans l'explosison qui s'est produite à l'usine de dynamite d'Ablon, on compte sept morts : MM. Théophile de Mally, Jean Granlin, Jules Quettier, Adolphe Hays, Robert Poissonet, Alphonse Graindorge, Désiré Handelin.
Les blessés sont au nombre de 14 : dont 4 grièvements attents : Ce sont MM. Anthime Leroux, Albert Villey, Armand Bourgeot et Raoul Gaquerel.
Le parquet de Lisieux, le juge d'instruction et le substitut se sont transportés sur les lieux pour continuer l'enquête commencée par le capitaine de gendarmerie de Mougline.
M. Russière, sous-préfet est venu apporter aux famille éprouvées les condoléances du Gourvernement. Les dégâts matériels sont importants dans l'usine et aux environs, notamment dans les communes de la Rivière St Sauveur et Honfleur. Trois bâtiments ont été détruits.
Les cadavres des victimes ont été déchiquetés ; on en a relevé un, ayant notamment les deux jambes et les bras arrachés et le crane sectionné.
Un blessé succombe
Honfleur, 1er septembre. - L'une des victimes de l'explosion survenue hier matin à l'usine de dynamite d'Ablon. M. Armand Bourgeot, agé de 54 ans, est décédé hier dans la soirée, des suites de ses blessures, à l'hôpital où il avait été transporte. On ne peut encore se prononcer sur l'état des trois autres blessés, égalements transportés à l'hôpital, et qui portent des plaies nombreuses et assez graves.
 On ignore encore les causes de la catastrophe.
L'enquête judiciaire ouverte par le Parquet et l'enquête administrative menée par le service des poudres n'ont pas encore fait connaître les causes de la catastrophe.
M. Eusch, le directeur de l'usine de la Société générale pour la fabrication de la dynamite, dont le siège est 67, boulevard Haussmann, à Paris, affirme les inimaginables précautions prises dans les ateliers, la confiance qu'il a dans un personnel d'élite encadré de contremaitres de choix.
Il rappelle les mesures de sécurité : construction légère des bâtiments, sol recouvert de plomb pour éviter tout choc, tunnels, refuges, talus épais, maçonnés à la base, plantes d'arbres de haut jet pour éviter la propagation du danger en cas d'explosion : ouvriers ne travaillant, tous vêtements otés, qu'en combinaisons serrées au cou, au bras, et aux pieds par les contremaîtres chefs d'équipe, et en sandales pour éviter tout choc et toute possibilité d'étincelles.
Cet homme, pour qui les ouvriers ont une véritable affection, conclut :
"Comment cela est-il arrivé ? Je ne le sais. Nous avons pris toutes les précautions possibles, à la suite surtout des pdeux précédentes explosions, mais nous somme à la merci d'un rien !"
Honfleur, 1er septembre. - M. Bourgeaud, agé de 40 ans, marié, est mort des suites de ses blessures. Travaillant dans le deuxième atelier de pétrissage, il avait eu les deux bras et la clavicule brisés et portait de graves blessures à la tête. L'état des trois autres blessés est toujours grave. Ils souffrent surtout de la commotion qu'ils ont subie au moment de l'explosion. Toute la nuit les gendarmes ont exercé une surveillance sévère autour de l'usine d'Ablon. »
       


18 mai 1949 : explosion de 400 kgs d’explosifs, bilan 4 morts
12 mars 1985 : 3 personnes meurent lors de l’explosion d’une cuve de malaxage
5 mars 1987 : explosion dans l’atelier de stockage de nitroglycérine, aucun blessé
3 mars 1988 : 300 kgs de dynamite explosent dans l’atelier d’encartouchage ; 5 personnes décèdent dont le directeur de l’usine, le chef de fabrication et le chef de laboratoire présents dans l’atelier.
Les arbres de la forêt environnante sont déchiquetés, les vitres des boutiques du centre bourg d’Ablon volent en éclat et les déflagrations se répercutent jusqu’à Honfleur distante de 1,16 km.
Suite à cet ultime accident, l’usine ferme définitivement ses portes en 1988 ; 122 personnes y travaillent.





Article Ouest-France du 17/04/2013:


Fermées et laissées à l'abandon depuis 1989, les usines Nobel ont eu leur heure de gloire puisque la dynamite y a été créée le 17 juin 1875. Claude Varin y a travaillé quarante ans.


« J'étais mécanicien et je surveillais toutes les machines du site d'Ablon, qui fabriquait la dynamite, et l'usine Nobel de La Rivière-Saint-Sauveur, qui s'occupait du plastique et du celluloïd, raconte Claude Varin. C'était une vraie ville. Environ 700 ouvriers - venant d'Honfleur et du canton - travaillaient sur les deux sites. »

Deux usines à la pointe du progrès sur quatre hectares de forêt. Une navette emmenait alors les ouvriers à l'usine qui tournait sans s'arrêter. 7 jours sur 7, 24 heures sur 24.

L'usine fabriquait son électricité

« La dynamite servait aux mines de charbon, de sel, et aux carrières. D'ailleurs, la digue du ratier a été construite avec la carrière de Fatouville-Grestain et notre dynamite,souligne Claude Varin. Au début, l'usine fabriquait son électricité pour faire marcher les machines. En 1927, les matières plastiques sont apparues sur le site de La Rivière-Saint-Sauveur »

Effectivement la mode était aux poupées et aux baigneurs en celluloïd, que beaucoup d'enfants ont encore dans leur chambre. Ces bébés joufflus en novoïd, appelés Jacky ou François, ont marqué les années 1950.

« Pendant la guerre, l'usine d'Ablon a été occupée par les Allemands et a tourné au ralenti. Le retour à la vie normale a repris avec de nouvelles techniques jusqu'en 1972, dit Claude Varin. 520 personnes travaillent alors dans les usines avec une nouvelle croissance. Jusqu'en 1977 et l'arrêt de l'usine de celluloïd. »

Deux grandes explosions vont marquer la vie des ouvriers et le destin de l'usine. La première, le 12 mars 1985, à Ablon, qui fera trois morts. Se succèdent d'autres alertes comme celle de 1987 qui ne fera que des dégâts matériels. Les ouvriers ont alors peur de perdre leur emploi. « Les salaires étaient corrects et les avantages aussi. Les familles ne voulaient pas perdre leurs droits et leur travail mais c'est vrai que la peur était bien réelle, se souvient Claude Varin. Il restait encore 142 ouvriers à Ablon. »

Puis, le 3 mars 1988, cinq personnes perdent la vie dans une terrible et ultime explosion, dont le directeur de l'usine. La fermeture sera officielle en 1989.